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Le Paris de Claude Sautet : une ville à hauteur d’homme

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Parisien de coeur, né à Montrouge en 1924, Claude Sautet a filmé la capitale avec une acuité rare, préférant les bistrots vivants aux monuments figés, les rues familières aux grands panoramas. À travers ses films, il a dessiné un portrait intime de Paris, à la fois tendre, désabusé, vibrant — à l’image de ses personnages. De Montrouge au Gobelins, des Ternes à Charonne, redécouvrons quelques quartiers du Paris de Sautet, théâtre de scènes inoubliables.


Ciné-Balades - Le Paris de Claude Sautet

Un cinéaste urbain enraciné dans la rive gauche


Claude Sautet est né à Montrouge en 1924, mais c’est au 15 avenue des Gobelins, dans le 13e arrondissement, qu’il pose ses valises pendant plus de cinquante ans. Ce grand appartement parisien devient son QG d’écriture. Il y vit avec Graziella, sa compagne et première lectrice, correctrice rigoureuse de tous ses scénarios.


Cet ancrage rive gauche n’est pas anodin : c’est la rive de l’intime, du quotidien, celle des marchés, des librairies, des brasseries pleines de conversations. Il y écrit Les Choses de la vie, Vincent, François, Paul et les autres, et bien d’autres. Il y fréquente aussi les restaurants dans l'esprit de la brasserie Chez Clovis que l’on retrouve dans plusieurs scènes de réunions entre Vincent, François, Paul et les autres...


Pour Sautet, Paris n’est pas une carte postale, mais un tissu vivant. Il disait souvent qu’il connaissait la ville « comme sa poche », mais il ne la filme jamais de manière touristique. Il choisit les rues qu’il aime, celles où il a des souvenirs, où il observe la vie passer.


Ciné-balades - Le Paris de Claude Sautet

L’amour du détail et des ambiances de quartier


Sautet a le génie de capter la vibration d’un lieu : une lumière rasante sur un trottoir mouillé, la nappe blanche d’un bistrot, une sonnerie de téléphone dans un hall d’immeuble. C’est dans ces détails qu’il plante l’ancrage émotionnel de ses scènes.


Dans Les Choses de la vie (1970), l’appartement du 56 rue de Boulainvilliers dans le 16e devient un refuge intime pour Pierre (Michel Piccoli) et Hélène (Romy Schneider). C’est là que se déroule la scène culte où, après un accident de voiture, Pierre se remémore une matinée calme avec Hélène : elle est de dos, elle tape à la machine, les toits de Paris apparaissent à travers les fenêtres. Ce plan, que Sautet a fait réécrire après avoir rencontré Romy Schneider par hasard, devient l’image même du cinéma sentimental français.


Autre exemple avec Un Cœur en hiver (1992), où les rues calmes d'un Paris bourgeois accueillent un trio amoureux glacé. Le choix de filmer dans un atelier de luthier n’est pas anodin : le silence, la rigueur du travail artisanal, la concentration des gestes font écho au personnage de Stéphane, joué avec une sobriété extrême par Daniel Auteuil.



Ciné-balades - Le Paris de Claude Sautet


Max, Vincent, Nelly et les autres : une géographie cinématographique


Plusieurs quartiers parisiens sont devenus emblématiques grâce aux films de Sautet. Quelques exemples :


1. Le 17e et le 11e dans Max et les Ferrailleurs


Ce Paris-là est plus rugueux. Rue des Acacias, rue de l’Armaillé, métro Avron… Max, policier désabusé (Michel Piccoli), y manipule Lily (Romy Schneider), prostituée qu’il utilise pour piéger des ferrailleurs. Le tournage s’est fait dans des vrais cafés et hôtels, et Sautet a volontairement tourné caméra à l’épaule pour restituer la violence sourde des échanges.

Il retrouvait ici une dynamique qu’il aimait entre Romy et Michel : “la douceur d’une femme libre face à la brutalité intériorisée d’un homme enfermé.”



2. Le 5e dans Vincent, François, Paul et les autres


Brasserie Clovis, aujourd’hui Méjane, au 100 rue Monge : les amis s’y retrouvent. Le film a été tourné dans un Paris de plus en plus rare aujourd’hui : artisanal, encore populaire. Ce décor n’est pas un décor : c’est un lieu de vie, bruyant, animé. On retrouve cette même atmosphère au restaurant Chez Bébert, toujours ouvert, toujours rive gauche mais côté Montparnasse, au cours d'une très belle scène entre Vincent (Yves Montand) et Catherine (Stéphane Audran). L'effervescence qui les entoure contraste avec la solennité de leurs échanges.



3. Une idée du Grand Paris dansUne histoire simple


Marie (Romy Schneider) y travaille et y côtoie des personnages qui se débattent avec leur solitude. D'un immeuble de bureau à l'autre, d'un café à l'autre, dans le quartier de la Défense, à Stains, Neuilly ou dans le 13ème côté Olympiades, elle évolue dans un décor qu'on devine sans chaleur. Sautet, qui a fait ce film à la demande de l'actrice voulait “filmer une femme sans pathos”, inspirée en grande partie du vrai caractère de Romy Schneider. Ce cinquième et dernier rôle dans l'univers du réalisateur lui vaudra son deuxième César.



3. Le 8e dansUn cœur en hiver


Stéphane (Daniel Auteuil), luthier, y travaille et y rencontre Camille (Emmanuelle Béart), violoniste et compagne de son associé, Maxime (André Dussollier). Le quartier est filmé avec des silences musicaux, à la Ravel. Maurice Ravel, justement, remplace ici Philippe Sarde à la bande-son : Sautet voulait que la musique soit un personnage, pas un commentaire. Auteuil dira que ce film fut “comme un quatuor où tout se joue en non-dits”.


Ciné-balades - Le Paris de Claude Sautet


Héritage parisien : un hommage éternel


En 2024, à l’occasion du centenaire de sa naissance, Paris a rendu hommage à Claude Sautet en donnant son nom à une place dans le 5e arrondissement. Située à l’intersection des rues Monge, Claude Bernard et de l’avenue des Gobelins, elle symbolise l’âme géographique de son œuvre.



Ciné-balades - Le Paris de Claude Sautet


Conclusion : un Paris de l’intime

Claude Sautet n’a jamais filmé Paris comme un décor, mais comme un personnage vivant, imprévisible, vibrant d’émotions humaines. Il l’a aimé dans ses contradictions, ses bruissements, ses rencontres improbables — autant que dans ses silences. Son œuvre reste aujourd’hui un trésor pour qui veut découvrir Paris autrement, à travers les trajectoires sensibles de femmes et d’hommes à la recherche de sens.



Vous souhaitez vous plonger un peu plus dans le Paris de Claude Sautet ?


Retrouvez le chapitre riche en anecdotes de tournage qui lui est consacré dans mon livre Paris Ciné-balades et accordez-vous 10 minutes de visionnage de l'émission Forever Cinéma, l'émission de Ciné +. J'y interviens quelques minutes et vous aurez le plaisir d'écouter l'écrivain et critique de cinéma N.T. Binh, grand spécialiste de Claude Sautet et de Paris au cinéma.










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